Les banquiers centraux européens perdent le sommeil à l’idée d’un retour de Donald Trump à la Maison Blanche. La crainte est claire. La politique commerciale agressive de Trump, en particulier son penchant pour les droits de douane, pourrait faire s’effondrer leurs économies déjà fragiles.

Alors que le continent souffre encore de l’inflation et d’une croissance lente, une deuxième administration Trump pourrait encore compliquer les choses.

Les investisseurs sont en état d’alerte et les analystes estiment que le retour de Trump pourrait faire chuter l’euro à parité avec le dollar. L’Europe ne peut tout simplement pas se permettre un nouveau coup dur économique pour le moment.

Les économies européennes déjà en difficulté

Trump a promis d’imposer des droits de douane de 60 % sur les produits chinois et jusqu’à 20 % sur tous les autres. S’il met ses promesses à exécution, cela créerait la plus grande perturbation commerciale depuis la loi tarifaire Smoot-Hawley qui a contribué à aggraver la Grande Dépression dans les années 1930.

De telles mesures pourraient frapper durement l’Europe. La position de la zone euro est bien plus faible aujourd’hui que lorsque Trump était au pouvoir de 2017 à 2021. Cette fois, l’Europe n’est pas en mesure de faire face à cette situation.

Selon des sources bien informées, certains responsables à Francfort, Londres et Stockholm ont évoqué le chaos qu’un nouveau mandat de Trump pourrait apporter.

Ils sont particulièrement nerveux cette semaine, alors qu’ils se réunissent à Washington pour les réunions du Fonds monétaire international (FMI).

L’Europe se trouve dans une situation bien pire qu’en 2017, lorsqu’elle n’était pas confrontée à des guerres en Ukraine ou au Moyen-Orient.

La zone euro vient d’enregistrer sa meilleure croissance annuelle depuis une décennie, et le Royaume-Uni connaît sa meilleure année depuis 2014. Comparez cela à aujourd’hui : la croissance stagne au Royaume-Uni, et l’Allemagne se dirige vers sa deuxième contraction annuelle consécutive.

Les entreprises et les ménages français sont confrontés à des coupes budgétaires et des hausses d'impôts d'un montant brutal de 60 milliards d'euros (65 milliards de dollars). Les enquêtes de conjoncture dans toute l'Europe sont sombres et la Banque centrale européenne (BCE) a dû accélérer son projet de baisse des taux d'intérêt pour atténuer le choc.

Les banquiers centraux en état d'alerte maximale

En janvier, la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, a également averti que la politique commerciale de Trump constituait un énorme problème.

Au cours de l'été, les responsables ont invité Jan Hatzius, économiste en chef de Goldman Sachs, à discuter de l'impact des tarifs douaniers lors de leur retraite à Sintra, au Portugal.

Ces préoccupations restent d’actualité. La semaine dernière, Christine Lagarde a déclaré : « Toute restriction, toute incertitude, tout obstacle au commerce est important pour une économie comme celle de l’Europe. »

Elle a ajouté que toute mesure visant à accroître les barrières commerciales, y compris les droits de douane, porterait sans aucun doute préjudice aux économies européennes. Le gouverneur de la Banque d'Angleterre, Andrew Bailey, a adopté une approche plus mesurée.

Il a déclaré en août que la banque centrale était « évidemment intéressée par le résultat » des élections américaines, mais ne spéculerait pas sur ce qui pourrait se passer.

Si la plupart des banquiers centraux tentent de rester neutres, certains sont clairement sur le qui-vive. Le gouverneur de la banque centrale suédoise, Erik Thedeen, s’est récemment rendu aux États-Unis pour évaluer les retombées potentielles de cette situation.

« Il faut être très prudent avant de supposer que ce que Trump dit aujourd’hui deviendra une politique », a déclaré Thedeen. Il a ajouté qu’il était important de voir quelle sera la stratégie économique de Trump s’il gagnait.

Tout le monde n’est pas convaincu que Trump mettra ses menaces à exécution. Certains pensent que les droits de douane imposés par Trump pourraient ne pas frapper l’Europe aussi durement qu’on le craint.

Mais Mme Thedeen a déclaré que même une présidence de Kamala Harris ne garantirait pas un environnement favorable au commerce. Son équipe a fait part en privé de son intention de poursuivre de nombreuses politiques de Joe Biden, notamment les droits de douane sur des milliards de dollars de marchandises chinoises.

Pour l’Europe, les enjeux sont considérables. L’Allemagne, moteur économique de la région, est particulièrement vulnérable. Son secteur manufacturier étant déjà en difficulté, la dernière chose dont l’Allemagne a besoin est une nouvelle guerre commerciale avec les États-Unis.

Le bilan de Trump en matière de commerce n’est pas vraiment rassurant. Durant son premier mandat, ses politiques protectionnistes ont conduit à une dégradation des relations transatlantiques. Cette fois, l’Union européenne se prépare au pire.